Propos recueillis par Jean-Marie Portal, Estelle Grenon et Michel Ossoua - Publié le 6 novembre 2025
Avant son intervention au Congrès Mission 2025, organisé les 7 et 8 novembre à l’Accor Arena de Paris, le cardinal Dieudonné Nzapalainga nous a accordé un entretien exclusif à la maison-mère des Spiritains, rue Lhomond. Il y évoque la mission, la foi et la fraternité au cœur du monde d’aujourd’hui.
Dans les couloirs paisibles de la maison-mère des Spiritains, au cœur de Paris, le cardinal Dieudonné Nzapalainga serre des mains, sourit à chacun. Ces jours-ci, il y séjourne avant de rejoindre Bercy, où il présidera samedi la messe d’ouverture du Congrès Mission. Né en Centrafrique, archevêque de Bangui depuis 2012, il est devenu en 2016, à 49 ans, le plus jeune cardinal du monde, et le premier issu de son pays. Membre de la Congrégation du Saint-Esprit, il s’est fait connaître pour son engagement en faveur du dialogue entre chrétiens et musulmans, au plus fort de la guerre civile centrafricaine. Rencontre avec un homme qui voit dans la mission non pas une idée, mais une manière de vivre : relier, dialoguer, espérer.
Comment avez-vous été approché pour participer au Congrès Mission 2025 ?
Les organisateurs m’ont invité, mais j’avais déjà des réunions au pays. J’avais d’abord décliné, avant qu’un confrère, l’archevêque de Paris, ne m’écrive pour me demander de venir. Quand un confrère vous sollicite, c’est important de se rendre disponible. Mon séjour devait se terminer à Rome : j’ai fait escale à Paris pour participer au congrès missionnaire.
Et que vous inspire le choix de l’Accor Arena, ce lieu de concerts et de ferveur populaire, où se produisait hier soir encore Katy Perry ? Un contraste étonnant, non ?
C’est intéressant. Le Christ n’est pas désuet : il est encore vivant et il peut trouver sa place dans des lieux symboliques. J’ai déjà célébré dans des stades, au bord de la mer. Un lieu profane, on peut le sacraliser. C’est ma manière d’être qui change le regard : le Seigneur passe aussi par moi pour apporter sa sanctification à son peuple. Aller à Bercy, c’est oser, c’est affirmer sa foi. Cela permet aux chrétiens de retrouver la fierté d’être chrétiens. On n’est pas chrétien seul, mais avec les autres. Voir des gens venir du nord, du sud, de l’est et de l’ouest, tous se dire chrétiens, c’est réconfortant et fraternel.
« La religion doit nous relier les uns aux autres, pas nous diviser. »
Quel message souhaitez-vous transmettre aux laïcs que vous allez rencontrer ?
La mission, ce n’est pas hier ni demain, c’est aujourd’hui. Par notre baptême, nous sommes envoyés vers les autres, puisque Dieu est le premier missionnaire : il a envoyé son Fils. Jésus, lui aussi, a rassemblé, puis envoyé. « Allez dans le monde entier, annoncez la Bonne Nouvelle. » Quand on reçoit le baptême, on se prépare à partir. À chaque eucharistie, le prêtre ou le diacre dit : « Allez, dans la paix du Christ ! » Ce que nous avons reçu, il faut le partager. Chaque baptisé est missionnaire à son niveau : à l’école, sur le marché, sur un chantier, dans un bureau. C’est la manière dont je vis ma foi et mon travail qui fait de moi un missionnaire.
Votre pays a connu la guerre. Vous avez encouragé la fraternité entre croyants. En quoi cette expérience peut-elle inspirer la France ?
Le mot « religion » vient de religare, « relier ». La religion doit nous relier les uns aux autres, pas nous diviser. Il faut avoir l’audace d’aller vers l’autre. Quand on ne connaît pas l’autre, on peut le craindre, mais en s’approchant, on découvre un être humain semblable à soi. En Centrafrique, notre combat – avec un imam et un pasteur – était de sauver l’être humain créé à l’image de Dieu. Ici, dans un pays laïc, il y a aussi beaucoup à faire : apprendre à se connaître, à se rapprocher, à avoir des combats communs. Être bien dans sa foi permet de dialoguer sans peur. Jésus n’a pas eu peur de rencontrer ceux qui étaient différents : il leur a parlé pour annoncer la rédemption.
Que signifie, pour vous, être missionnaire dans le monde d’aujourd’hui ?
Nous avons tous en nous un lien invisible avec l’au-delà. Pour moi, c’est le Dieu de Jésus-Christ. Il ne m’enlève pas ma liberté, il m’aide à grandir. On peut être scientifique et croyant : Pascal l’était ! Être croyant, ce n’est pas une naïveté. C’est poser des questions de sens. La foi permet d’affronter la mort, qui n’est pas la fin mais un passage. Jésus a traversé la mort et nous attend. Alors je le dis aux jeunes : ne soyez ni tièdes ni timides, soyez des chrétiens vivants, heureux.


