Quelques traditions de Noël en Alsace
C’est à Saverne, petite commune d’Alsace au pied des Vosges, qu’est né François Libermann. Fondateur de la Congrégation du Saint-Esprit, il a quitté son Alsace natale pour monter à Paris où il reçevra le baptême en 1826. Plongeons-nous dans cette région, chère à bien des spiritains pour commencer notre tour d’horizon des traditions de Noël et messages de l’Avent.
L’Avent ouvre l’année liturgique et le temps de Noël. C’est un temps d’attente de ce qui va advenir. Dès le premier dimanche de l’Avent dans beaucoup de famille on allume la première bougie de la Couronne d’Avent. Son origine est d’Allemagne où elle fut créée en 1830. Elle se composait alors d’une roue en bois sur laquelle étaient fixés quatre cierges blancs ponctuant les dimanches et 19 cierges plus petits pour les jours des 4 semaines de l’Avent. Chaque soir les bougies étaient allumées les unes après les autres symbolisant l’approche de la vraie lumière apparue la nuit de Noël. Devenue une couronne de branches vertes elle rappelle l’espérance et la victoire de la vie. Cette coutume vient en Alsace entre les deux grandes guerres vers 1930. Elle a tendance de nos jours à devenir simplement un arrangement floral avec 4 bougies décoratives.
La tradition du Sapin de Noël est bien vivante dans le monde entier. Cette coutume est probablement née en Alsace dès le 15ème siècle. Et c’est Sélestat et sa région qui revendique en être le lieu originel. Cet arbre vert, symbole de la vie qui recommence est aussi un reflet de joie et d’espérance. Un sapin clinquant de dorures, de boules et de bougies veut être signe de la lumière qui permet un recommencement. A l’origine, le sapin, suspendu au plafond, était garni de pommes comme un rappel de la pomme d’Adam et d’Eve et de leur exclusion du Paradis. On y accrochait déjà des roses en papiers multicolores. Puis, peu à peu il se pare de sucreries, gâteaux et cadeaux. Au 19ème siècle, c’est l’apparition des boules de verre soufflé multicolores en remplacement des pommes. Toutes ces couleurs veulent évoquer l’amour de Dieu pour les hommes et font rappel d’une croyance populaire qui voulait que les arbres se mettent à fleurir la nuit de Noël. Naguère le sapin est dressé le 24 décembre dans la soirée et garni des cadeaux à ses pieds. Il était l’attraction de la maison jusque vers la fin de janvier, voire même jusqu’au 2 février.

Dans les églises ou sur les parvis des églises, pour Noël, les chrétiens jouaient comme au théâtre en évoquant l’événement de Noël avec réalisme et bonne humeur. Ce qui nous en reste, mais la coutume est très ancienne, c’est la crèche de Noël. Dressée au cours de l’Avent, selon son importance, elle ne s’anime que le soir du 24 décembre. Chacun des personnages y a sa place, y compris les animaux. Elle apparaît, semble-t-il dans les dessins illustrant le célèbre Hortus Deliciarum d’Herrade de Landsberg vers 1170. C’est au siècle dernier seulement que la coutume de la crèche s’est répandue partout dans les églises et puis peu à peu dans les familles.
Dans mon village, peu de temps avant minuit, avant d’aller à l’église, les paysans se rendaient à l’étable pour donner une ration supplémentaire de fourrage au bétail, c’était « la poignée de Noël ». Tout cela en souvenir des animaux présents à la crèche. Quant aux poules elles n’étaient pas en reste, elles recevaient des grains pour les inciter à rester éveillées jusqu’à minuit, la sainte heure.
Une curiosité encore pour le soir de Noël. Dans les familles on exposait la rose de Jéricho, la rose de Noël. Sortie de sa boîte en bois, uniquement à l’occasion de Noël, elle était placée dans un verre et attentivement observée. Quand elle s’ouvrait pendant quelques heures, c’était le présage d’une bonne année à venir. Parfois elle ne s’ouvrait pas et la nouvelle se répandait au cours de la messe de minuit.
Le repas de Noël nous vient des Romains qui, au moment du solstice d’hiver, avaient coutume d’offrir des sacrifices aux dieux. Ils se rassemblaient ensuite en signe d’allégresse pour savourer des repas plantureux. Les chrétiens ont adapté, à leur façon, ce repas devenu celui de la réconciliation, lieu des retrouvailles familiales. Le repas de Noël réunit des êtres proches. Jadis la coutume voulait que le réveillon suive le jeûne de l’Avent, il était l’occasion de faire en fin bombance. Dans les campagnes on préparait souvent une assiette pour le voyageur.
De toutes ces coutumes et rites divers, l’essentiel était l’ambiance de Noël, faite d’odeurs de vin chaud, de mandarines et de petits gâteaux, les « bredela ». Une atmosphère de musique, une complicité pour les cadeaux, un air de fête illuminée.
Aujourd’hui encore, avec mes 87 ans, je reste sensible aux décorations lumineuses de nos villages et villes. Je me réjouis quand, dans notre maison de retraite, les religieuses commencent à décorer nos lieux de vie. Je reste friand de vin chaud et de « bredala ». Nous vivons ce temps de l’Avent comme une attente et le temps de Noël comme une rencontre. Pour ma part, je cherche, au cours de l‘Avent, comment faire plaisir à quelqu’un, pas tant sous forme de cadeau mais sous forme d’attention, (lettre, téléphone, visite).

Pendant mon temps de missionnaire au Cameroun, le sapin et son odeur me manquaient. Mais en Afrique la fête de Noël est en plein été ! Il fait chaud, beau et les arbres sont en fleurs (flamboyant, kapotier, magnolier). Ils compensent bien les guirlandes lumineuses de chez nous. En ce temps-là, je souriais quand les écoliers chantaient à tue-tête : « Seigneur venez, le froid nous mord et la nuit est sans fin ! » La nuit, la température avoisinait les 30° ! La messe de minuit commençait à 18h, heure de la tombée de la nuit. L’église de la Mission d’Ombessa était remplie de monde, aux premiers rangs les parents avec les enfants et les bébés qui seront baptisés au cours de messe. La foule est bigarrée de couleurs. Les tam-tam et les balafons résonnent, l’ambiance est à la fête et l’assemblée ondule de joie ! Après la messe, le chef de village invite le prêtre et ceux qui l’accompagnent pour boire le vin de palme et partager le repas traditionnel : poulet aux arachides et riz. » Louis

Alors selon la tradition : Bon temps de l’Avent à tous! Joyeux Noël
Et pour les Alsaciens : « Frehlichi Wiehnachta» !
Père Louis

