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Audience du pape François aux spiritains

Au Palais Apostolique du Vatican, le 8 mai 2023, le Saint-Père François a reçu en audience la Congrégation du Saint-Esprit sous la protection du Cœur Immaculé de Marie (Spiritains). Nous publions ci-dessous le discours que le Pape a adressé aux personnes présentes lors de la rencontre, précédé du discours du supérieur général des spiritains, Alain Mayama:

Paroles du Supérieur Général à l’occasion de l’audience privée avec le Saint Père le 08 mai 2023 au Vatican.

Votre Sainteté

Au nom du Conseil Général, de mes Confrères et des Laïcs Associés Spiritains dispersés dans le monde entier, je Vous exprime notre gratitude la plus active et la plus affectueuse pour avoir accepté de nous accueillir aujourd’hui à l’occasion de la célébration, cette année, du 175ème anniversaire de la fusion de la Congrégation du Saint-Esprit et de la Société du Sacré-Cœur de Marie, le 10 septembre 1848, qui a donné à la Congrégation son nom actuel de Congrégation du Saint-Esprit sous la protection du Cœur Immaculé de Marie. Nous vous remercions de tout cœur et avec affection pour votre présence parmi nous en ce jour, signe de la sollicitude pastorale avec laquelle vous suivez, accompagnez et guidez la vie consacrée. 

À notre tour, animés d’un fort esprit de communion avec le Successeur de Pierre, nous sommes ici avec le désir de recevoir une bénédiction de votre Sainteté, précisément pour coïncider avec cet important anniversaire, et avec la volonté d’accueillir avec docilité votre parole autoritaire et incisive, pour une suite toujours plus grande du Seigneur. En écoutant votre parole aujourd’hui, je suis certain que nous sentirons grandir en nous l’enthousiasme d’aller plus loin.

Saint Père, l’origine de la Congrégation du Saint-Esprit remonte à la création d’un séminaire, appelé “Séminaire du Saint-Esprit”, à l’initiative de Claude Poullart des Places, le 27 mai 1703 à Paris, pour former des jeunes gens qui accepteraient d’être missionnaires dans le monde rural, là où les prêtres ne voulaient pas aller : “Pauvres prêtres pour les pauvres”. Environ un siècle et demi plus tard, en 1841, le Père François Marie Paul Libermann, Français d’origine juive, fonde la Société du Cœur Immaculé de Marie, dédiée à la libération des esclaves et à l’évangélisation de l’Afrique. Après l’union des deux congrégations, le nom officiel de l’Institut devient Congrégation du Saint-Esprit sous la protection du Cœur Immaculé de Marie, en conservant le double charisme : accepter des missions là où personne d’autre n’accepterait d’aller, aller vers ceux qui n’ont pas encore entendu le message de l’Évangile ou qui l’ont à peine entendu, faire toujours un choix clair en faveur des plus pauvres et des plus abandonnés, des opprimés, des plus défavorisés, individuellement et collectivement, vivre une vie fraternelle en communauté, la simplicité de vie, le respect des peuples et des cultures locales, la formation d’un clergé et d’un laïcat autochtones, et le développement humain intégral.

L’un des bénéfices de cette fusion fut la renaissance de la Congrégation du Saint-Esprit, à tel point qu’elle se vit confier la responsabilité de fonder le Séminaire français de Rome en 1853. Et en 156 ans, les Spiritains ont formé quelque 5 000 étudiants ecclésiastiques, séminaristes et jeunes prêtres de tous les diocèses de France et de divers pays du monde. 

A la fin de l’année universitaire 2008-2009, la Congrégation du Saint-Esprit a transféré la responsabilité du Séminaire pontifical français de Rome (Séminaire pontifical gaulois) à la Conférence des évêques de France. 

Nous étions traditionnellement originaires d’Europe et d’Amérique du Nord, où nous sommes moins présents aujourd’hui, avec maintenant un déplacement géographique vers l’Afrique, où nous avons désormais plus de la moitié de nos membres, résultat du travail d’évangélisation effectué par les missionnaires spiritains sur le continent africain. Il y a également eu une augmentation des vocations en Asie, en particulier au Vietnam. Aujourd’hui, nous sommes plus de 2600 membres, répartis dans plus de 60 pays sur les cinq continents. 

Saint Père, comme vous ne vous lassez pas de nous enseigner et de nous appeler à une transformation missionnaire de l’Eglise, une “Eglise en marche”, moins préoccupée d’elle-même, pour aller “vers les périphéries”, le dernier Chapitre général de notre Congrégation, célébré à Bagamoyo, en Tanzanie, en 2021, a renforcé notre charisme originel, en nous orientant vers les périphéries et les marges, en nous appelant à inventer de nouvelles voies, à être courageux, à ne pas nous centrer sur nous-mêmes mais sur ceux qui sont en dehors de l’Eglise, les incroyants, les pauvres, les marginalisés. Le Chapitre a également insisté sur l’importance de la synodalité, d’une écologie intégrale (Laudato Si’) et d’un engagement au dialogue pluriel (Fratelli Tutti). 

J’ai été frappé par votre option missionnaire, qui pour vous est un choix ” capable de tout transformer, de sorte que les coutumes, les styles, les horaires, le langage et chaque structure ecclésiale deviennent un canal adéquat pour évangéliser le monde d’aujourd’hui, plutôt que pour se préserver “. (EG, n° 27).

Saint-Père, merci pour votre leadership prophétique et votre zèle de serviteur qui va au-delà des limites de l’Église catholique, entrant en dialogue avec le monde entier, un berger proche du troupeau, qui prend son odeur. Vous continuez à nous inspirer, malgré toutes nos limites humaines, physiques et autres, à donner le meilleur de nous-mêmes au service des frères et sœurs qui nous sont confiés.

Je termine en faisant miennes les paroles que vous avez prononcées il y a quelques années à Rome, lors d’une conversation avec les Supérieurs généraux des Instituts de vie religieuse masculine, réunis pour la 82e Assemblée générale de l’USG en 2013, et qui expriment notre conscience la plus profonde : “…. Les religieux doivent être des hommes et des femmes capables de réveiller le monde”.

Merci, Saint-Père. Nous vous écoutons avec confiance et vous assurons de nos prières quotidiennes et affectueuses. Alain Mayama, supérieur général 

Discours du Saint-Père

Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenue !

Je remercie le Supérieur général pour les paroles qu’il m’a adressées ; je salue les membres du Conseil et vous tous.

Je suis heureux de cette rencontre, au cours de laquelle je partage avec vous la joie des cent soixante-quinze ans de votre refondation, avec la fusion de deux instituts religieux.

Je voudrais prendre comme point de départ, pour une brève réflexion, le passage du prophète Isaïe que vous avez choisi comme guide dans votre Congrégation : “Voici que je fais du neuf” (Is 43, 19). C’est une très belle parole, qui fait partie d’un texte qui commence ainsi : “Ne crains pas [Israël], car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi” (Is 43,1). Quand j’entends cela, je me souviens de la main de Dieu qui caresse, qui caresse le peuple, qui caresse chacun de vous : le Dieu de tendresse qui caresse toujours. Je m’arrête sur ces mots parce qu’ils me semblent refléter très bien certaines des valeurs fondamentales de votre charisme : le courage, l’ouverture et l’abandon à l’action de l’Esprit pour qu’il fasse quelque chose de nouveau.

Ces valeurs sont déjà évidentes dans l’histoire de votre première fondation : un jeune diacre, avec douze compagnons de séminaire, poussé par l’Esprit, s’embarque courageusement dans une aventure inattendue. Il renonce à la perspective d’un avenir tranquille – il aurait pu être un bon prêtre issu d’une famille aisée – pour une mission à découvrir, s’exposant aux sacrifices, aux incompréhensions et aux oppositions, avec une santé très fragile qui le conduira à une mort prématurée, avant d’avoir pu voir pleinement son rêve couronné. Autant d’imprévus que sa docilité à l’action de l’Esprit transforme cependant en des “oui” courageux, grâce auxquels Dieu commence chaque fois quelque chose de nouveau en lui et, à travers lui, dans les autres.

En effet, son exemple est confirmé par les frères qui poursuivent son œuvre, prêts à répondre aux nouveaux signes des temps, en embrassant d’abord le service des séminaristes pauvres, puis les missions populaires et enfin l’annonce ad gentes dans diverses parties du monde, sans se laisser effrayer même par la persécution religieuse déclenchée par la Révolution française.

Une belle et riche histoire, dont nous rappelons aujourd’hui un autre moment particulier, où tout entre à nouveau en jeu. Il s’agit de la deuxième fondation, celle de 1848, dans laquelle l’Esprit Saint demande à la communauté de partager tous les fruits de son passé dans un nouveau scénario. Il est temps de rejoindre de nouveaux compagnons, ceux de la Société du Saint Cœur de Marie, également missionnaires, mais avec une histoire différente. Pour ce faire, il est certainement nécessaire de surmonter les craintes et les jalousies, et les frères des deux familles acceptent le défi, unissant leurs forces et partageant ce qu’ils ont dans un nouveau départ.

Aujourd’hui, après plus d’un siècle et demi, nous constatons que la Providence a récompensé leur généreuse et courageuse docilité à l’Esprit : vous êtes présents dans soixante pays des cinq continents, avec environ deux mille six cents religieux et l’engagement de nombreux laïcs. Grâce à votre volonté de changement et à votre persévérance, vous êtes restés fidèles à l’esprit de vos origines : évangéliser les pauvres, accepter des missions là où personne ne veut aller, favoriser le service des plus abandonnés, respecter les peuples et les cultures, former le clergé local et les laïcs pour un développement humain intégral, le tout dans la fraternité et la simplicité de vie et dans l’assiduité à la prière. Je vous en prie, cette dernière chose est importante : priez, n’abandonnez pas la prière. Et pas seulement la prière formelle, non, la prière! Priez vraiment !

Réalisez ainsi ce que le vénérable Libermann appelait “l’union pratique” dans le service, fruit de la docilité habituelle à l’Esprit Saint et fondement de toute mission.

Votre charisme, ouvert et respectueux, est particulièrement précieux aujourd’hui, dans un monde où le défi de l’interculturalité et de l’inclusion est vivant et urgent, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église. C’est pourquoi je vous dis : ne renoncez pas à votre courage et à votre liberté intérieure, cultivez-les et faites-en un élément vivant de votre apostolat.

Il y a tant d’hommes et de femmes qui ont encore besoin de l’Évangile, non seulement dans les soi-disant “terres de mission”, mais aussi dans le vieil Occident fatigué. Regardez chacun avec les yeux de Jésus, qui désire rencontrer tout le monde – tout le monde ! Ne l’oubliez pas : tout le monde – en étant particulièrement proche des plus pauvres, en les touchant de ses mains, en fixant son regard dans le leur. Et pour apporter à chacun le souffle frais et vital de son Esprit, qui est le véritable “protagoniste de la mission” (cf. saint Jean-Paul II, Enc. Redemptoris missio, 30), laissez-vous guider par lui, car “il n’y a pas de plus grande liberté que celle de se laisser conduire par l’Esprit, en renonçant à tout calculer et à tout contrôler” (Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 280). Laissez-le vous éclairer, vous guider, vous pousser où il veut, sans poser de conditions, sans exclure personne, parce que c’est lui qui sait ce qui est nécessaire à chaque époque et à chaque moment (cf. ibid.).

Ce fut la grande intuition de vos fondateurs et le beau témoignage de tant de frères et sœurs qui vous ont précédés. C’est aussi le souhait et l’invitation que je vous adresse aujourd’hui. Que la Sainte Vierge vous accompagne. Je vous bénis tous de tout cœur et je vous demande de prier pour moi. Je vous remercie.

Pape François