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Dans la première lecture le prophète Joël nous a lancé cet appel de la part du Seigneur :   “Revenez à moi de tout votre coeur” : « Revenir », pour un randonneur, c’est souvent retourner en arrière, quand on s’est trompé de chemin au risque de s’éloigner de plus en plus du but, et même de se perdre complètement. Il en va ainsi de la grande randonnée de notre vie, avec ses moments où l’on prend conscience de faire fausse route et ceux où l’on découvre la joie du chemin retrouvé.  

Le peuple d’Israël a été sans cesse tenté de s’éloigner de Dieu et de se perdre dans le désert.  C’est pourquoi, chaque fois qu’il s’éloignait, le Seigneur lui envoyait des prophètes pour dire : “revenez en arrière”, “rectifiez le sens de votre marche, reprenez la bonne direction, allez vers le Seigneur. 

Un temps pour revenir à Dieu

Il s’agit en fait non pas seulement d’un itinéraire à rectifier mais d’un retour à la maison : comme celui de l’enfant prodigue revenant chez son Père. C’est bien le Père qui attend notre retour et de loin nous dit “Revenez à moi!”. Et les prophètes sont là pour nous encourager : “Revenez à Yahvé, votre Dieu, car il est tendresse et pitié”. En ouvrant la bible d’ailleurs, nous voyons qu’à travers toute l’histoire c’est le Seigneur qui le premier est toujours venu vers nous. ; en effet, nous « avons du prix à ses yeux ». 

Le temps de carême est donc un temps privilégié pour « revenir » : dans la 2e lecture st Paul nous dit que : « C’est maintenant le moment favorable », le  bon créneau  dirions-nous aujourd’hui. Pensons au bon créneau qui va permettre à une fusée de se libérer de la pesanteur et de se mettre en orbite… Profitons de ce moment pour nous libérer des inerties qui empêchent de nous arracher à nous-mêmes… Ce sont toujours les premiers pas qui coûtent dit-on… : un carême bien vécu c’est en fait une libération croissante pour nous élever et nous mettre en orbite de Pâques.   

Il est des époques et des moments où l’aumône, la prière et le jeûne deviennent des urgences particulièrement vitales : nous découvrons combien notre terre et ses habitants semblent s’acheminer vers une mondialisation de la détresse, de la guerre et des famines ; le climat, nous le savons, souffre de plus en plus de nos insouciances. 

Les énergies qui peuvent nous libérer de nos pesanteurs sont connues de toutes les traditions spirituelles : ce sont l’aumône. (c’est-à-dire le partage et la solidarité), la prière et le jeûne (ce dernier étant aussi le renoncement à la domination de tous nos penchants).  

Nourrir notre vie intérieure

Jésus, dans l’évangile, nous parle de « secret », c’est-à-dire tout ce que nous décidons de faire soit d’abord être le reflet d’une attitude intérieure. A quoi servirait en effet de jeûner extérieurement, par convention sociale, et plus encore, pour se faire valoir si cela n’état pas lié à une réelle volonté personnelle de conversion profonde. Autrement le jeune et les autres pratiques de carême seraient plus une tentation d’orgueil qu’une véritable libération de nous-mêmes.  Les fusées qui fuient ne peuvent pas décoller !    

Pensons à tous les beaux gestes qui sont les fruits d’une véritable démarche intérieure : un couple qui se réconcilie, un don anonyme pour les plus démunis, un vrai moment retrouvé pour un prière personnelle. A chacun de nous en fait de voir comment mettre en oeuvre ces chemins discrets de libération.  Il ne s’agit pas de ces secrets où l’on dissimule le mal , mais du secret d’un feu intérieur qui fait vivre et fait de vous un vrai communiquant. Il semble en fait que l’avenir de notre planète dépend avant tout de petits gestes « secrets » comme ceux dont parle l’évangile : combien de petites initiatives se multiplient dans le monde dans le sens d’une conversion écologique et se répandent de proche en proche, signe d’un changement intérieur des attitudes ! 

Par les cendres, accueillir la vie nouvelle qui va bourgeonner

Le geste des cendres que nous allons poser nous aidera à nous rappeler l’importance d’accueillir la vie, au-delà de ce qui meurt ou menace de mourir.  

N’attendons pas que notre planète soit réduite en cendres pour allumer des contre-feux , pour laisser se consumer ce qui en nous fait obstacle à la vie. Dans la nature, les  cendres ne sont pas uniquement un résidu, mais où elles sont aussi une ressource qui va améliorer la terre et la rendre plus disponible à accueillir la vie nouvelle.

Le geste des Cendres, ce sera d’abord pour nous le signe de notre volonté de brûler en nous ce qui est devenu desséché ; de prendre aussi conscience de la finitude de notre vie : car un jour il ne restera plus grand chose de notre corps ; mais ce sera aussi l’occasion de prendre conscience du temps précieux qui nous est donné pour accueillir, « féconder » la vie, une vie qui ne finira pas.  Les quarante jours du carême correspondent bien dans nos pays à l’arrivée du printemps : pour faire éclater à nouveau en nous les bourgeons de la « vraie vie », du passage, à la libération de la « Pâque ».

François Nicolas, spiritain en communauté à Chevilly Larue