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Dans la nuit noire

C’est un premier jour de la semaine. Il fait nuit. Une jeune femme rentre chez elle tard le soir, dans une cité de banlieue.  En sortant de la gare, elle repère qu’elle est suivie. Un homme qu’elle ne connaît pas, un étranger sans doute, semble s’intéresser à elle ; elle change de trottoir, il fait de même. Elle se met à marcher plus vite, il accélère le pas.  Elle regarde désespérément autour d’elle : la ville est endormie, aucune autre personne n’est là à qui elle pourrait se raccrocher. L’angoisse monte dans son cœur.

Oser une question

Toute tremblante, elle arrive chez elle, elle ouvre la porte de l’immeuble, l’étranger se glisse silencieusement derrière elle. Elle n’ose pas prendre l’ascenseur, monte les escaliers, l’homme est toujours là.  Ils arrivent ensemble sur le palier.  Terrorisée elle se retourne, et s’entend dire doucement « Que voulez-vous, monsieur ? »

Cette simple parole désarme l’individu : il redevient lui-même ; la situation se renverse.  Brusquement, l’homme fond en larmes : « Madame je suis seul, je ne sais plus ce que je fais, pardonnez-moi ». La jeune femme est bouleversée : elle croyait qu’il allait la violer, elle se retrouve face à un homme désarmé. Elle ouvre la porte et invite le compagnon d’infortune à entrer chez elle, à s’asseoir dans le canapé. Elle lui prépare un café et une longue conversation, remplie d’une délicate tendresse s’échange entre les deux, avant que l’homme ne reparte en paix.

Vivre une expérience de résurrection

Ce soir-là raconte la jeune femme, j’ai vécu une expérience de résurrection. Et ce n’est qu’à partir d’une telle aventure personnellement vécue, que je peux rendre compte de ce qu’est la résurrection du Christ : non pas un événement lointain, mystérieux, d’un autre temps, déconnecté, mais l’expérience fondamentale de la vie, dans ma vie.

Cette course dans la nuit, l’instant fulgurant d’une reconnaissance, rejoint dans un même mystère, la course de ces deux apôtres au petit matin de Pâques vers le tombeau vide, lorsqu’une se fait jour, une évidence ; cette course rejoint la marche des disciples sur le chemin d’Emmaüs, caractérisée par le retournement stupéfiant qui se passe, au moment du repas, lorsque l’hôte inconnu rompt le pain.

Dévoiler le mystère

Que s’est-il passé exactement au matin de Pâques, dans le tombeau ? Nous ne savons pas comment le cadavre de Jésus s’est redressé de son linceul : les représentations de la Résurrection où l’on voit Jésus sortir du tombeau, ne sont pas fidèles à la révélation biblique qui ne nous décrit pas le moment proprement dit, au cours duquel lequel le corps de Jésus a repris vie.  Les évangiles se contentent de nous dire que Jésus s’est fait voir après sa mort, bien vivant, que les apôtres ont vu le tombeau vide et qu’ils ont cru. ( et cela nous suffit !)

Les apôtres nous renvoient à notre propre expérience de résurrection pour que nous puissions relier notre vie personnelle à un événement fondateur : “Christ est ressuscité ! ” “Vous êtes ressuscités avec le Christ ! ” (Col 3, 1), proclament-ils dans un même élan : l’événement de la Résurrection est indissociable du mouvement de la foi qui nous fait revivre : il vit et il crut !

Révéler sa lumière

Et l’on ne peut non plus dissocier l’événement de Pâques, du témoignage que nous sommes appelés à rendre de notre foi au Christ vivant.  Après avoir reconnu Jésus ressuscité, les apôtres ont reçu l’Esprit Saint qui leur a donné au moment de la Pentecôte l’audace de proclamer à des femmes et des hommes de tous pays, de toutes langues “Jésus de Nazareth, ils l’ont fait mourir en le pendant au bois du supplice.  Et voilà que Dieu l’a ressuscité le troisième jour” (Ac 10, 40).  Par notre baptême, il nous a été donné ce même Esprit qui nous pousse à témoigner, par nos paroles, et surtout par nos actes, de cette vie nouvelle qui surgit dans notre monde au moment même où les forces de mort semblent l’emporter.

Et voilà que dans l’Eucharistie, nous reconnaissons à nouveau le Christ ressuscité, au signe de la fraction du pain. C’est Jésus vivant qui prend corps dans notre histoire, pour nous ressusciter avec lui, et nous entraîner dans son Royaume.

Franz Lichté, spiritain célébrant à la maison d’arrêt de Fleury Merogis