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« Il sera un guetteur qui décabosse les cœurs abîmés.»

En ce jour de joie et d’allégresse pour l’Eglise et la Congrégation du St ESPRIT, je salue toute l’assemblée ici présente : les confrères spiritains, mon frère évêque, les prêtres, les diacres, les personnes consacrées, les membres de la paroisse et le P. curé, Albert GAMBART, qui nous accueillent en l’église St Médard. Bien entendu je salue avec affection HABIB et WYCLIFF ainsi que leurs familles et leurs amis.
L’appel de Dieu qui vous invite à entrer dans sa mission en tant que diacre en vue du sacerdoce, est un signe évident de son amour à votre égard et à l’égard du peuple chrétien. Il connaît vos imites et vos faiblesses comme il connaît les nôtres, mais il vous accorde sa grâce pour accomplir sa mission. Il vous fait ainsi découvrir que ce n’est pas vous qui réaliserez la mission qui vous est confiée mais l’Esprit-Saint qui est à l’œuvre en vous et dans le monde.
Vous avez pris le temps pour reconnaître cet appel, vous vous êtes entourés de personnes pour discerner. Pendant le temps de formation vous avez cheminé intellectuellement, moralement et spirituellement. Hier, vous avez prononcé vos vœux perpétuels dans la congrégation pour vous donner entièrement au Seigneur. Qu’il dilate votre cœur à la dimension de son amour et de sa mission. Il vous invite à être par vos actes et vos paroles, sacrement de sa miséricorde pour les autres.

Le premier ministère ordonné, le diaconat, est la base de tous les ministères car il engage à servir à la manière de Jésus-Christ, le serviteur par excellence : il disait : « je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir, » et il a servi jusque sur la croix. Par l’imposition des mains, qui est depuis les Apôtres, le geste de l’ordination, vous recevez du Christ le ministère du service. Ce ministère vous demande d’être des hommes d’écoute qui accueillent favorablement ce que les autres ont à partager, sans les juger, et leur communiquent l’amour de Dieu qui est en eux. Dieu parle aux hommes à travers ceux qui ont placé leur vie sous son rayonnement.
Ce ministère que vous recevez de Dieu comporte le service de la Parole de Dieu. Pour l’exercer, vous aurez à vous nourrir de cette Parole, à en vivre afin de proclamer par votre vie quotidienne cet amour inépuisable du Christ pour chaque personne. Le diacre fait sienne la Parole de Dieu, en la priant, en la méditant dans le silence, dans l’office divin, dans une inlassable recherche du Seigneur, afin d’en nourrir ceux à qui il l’annonce. Il importe que la parole de Dieu le libère de tout obstacle à la présence du Seigneur, que l’évangile soit la joie de son cœur pour que l’annonce éveille en ceux qui l’entendent le désir d’y conformer leur vie.

L’évangile qui vient d’être proclamé indique un autre volet important de la mission que le Seigneur vous confie : le service des frères : tisser des liens de fraternité, consolider les communautés… Votre mission consiste à aimer avec la délicatesse de l’amour de Dieu, à dialoguer, à réconcilier, à inviter au pardon, à renouer les liens fraternels là où ils se sont dégradés. Pour aimer ainsi, le diacre ne se situe pas au-dessus des laïcs ni en dessous des prêtres, il se situe dans le peuple des baptisés rassemblés par l’amour du Christ où, chacun selon sa mission, est au service des autres. Branché sur la miséricorde de Dieu, il est envoyé pour servir et aimer avec le cœur de Dieu. Il reçoit de Dieu la grâce d’être serviteur de ses frères.
Il aura aussi à exercer la compassion du Christ à l’égard des personnes qui traversent une épreuve, à accompagner celles qui sont blessées par la vie, ainsi que celles qui par leur faute se sont éloignées de la communauté chrétienne. Il sera un guetteur comme dit le prophète Ezéchiel dans la première lecture qui regarde où la vie est blessée, piétinée, où l’homme est méprisé, qui veille sur ses frères, qui pacifie, remet debout, décabosse les cœurs abîmés par la méchanceté, les injustices, le désir de vengeance, fait tomber les murs de séparation.
Quand j’étais à Fameck, se trouvait en face du presbytère un garagiste qui avait des doigts en or. Il cherchait des épaves qui furent de belles voitures autrefois ; il mettait des mois à les débosseler, à les poncer, à remplacer les pièces usées, abîmées ; le résultat était surprenant : à ces vieilleries rouillées qui n’avaient plus d’allure, il rendait leurs lettres de noblesse, il en faisait des bijoux si bien que de partout on venait les chercher au moment d’un mariage pour y installer les jeunes mariés qui fêtaient leur amour.

Voilà une image de votre attention à l’égard de ces personnes cassées par des violences de toutes sortes dans notre société et dans le monde, traitées comme des épaves ou pire encore. WYCLIFF et HABIB, votre service de charité ne vous permet pas de passer à côté de ces détresses sans vous y arrêter. Par votre ordination vous serez signe de la sollicitude du Christ pour aimer ceux qui souffrent, vous serez appelés à débosseler les cœurs, poncer les rancœurs, mettre de l’huile dans les rouages, aider les personnes qui se croient perdues à remonter la pente, à espérer en Dieu le Père.
Ce n’est jamais vous qui rendrez belle la vie des autres, ce n’est pas vous qui ferez des merveilles, c’est l’Esprit Saint qui agit en vous et par vous. Vous n’avez pas à vous vanter du résultat, ni à vous affliger d’un insuccès, vous avez à remercier Dieu qui fait son travail avec vous. Vous avez à remercier Dieu puisque tout votre être est un don de sa grâce.
Laissons-nous encore éclairer par cette parole de St Jean :« Dieu, personne ne l’a jamais vu ; mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu habite en nous. » (1, Jn 4,11…) Servir, c’est se donner à l’autre, et dans votre cas, HABIB et WYCLIFF, c’est aussi lui donner Dieu.

                                                                                                                                              Mgr Gaschy, évêque émérite de Saint Pierre et Miquelon