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Guider les volontaires vers un Nous toujours plus grand.

«Allez…” nous dites-vous à tous les tournants de l’Évangile. Vous nous avez choisis pour être dans un équilibre étrange. Un équilibre qui ne peut s’établir et tenir que dans un mouvement, que dans un élan. Un peu comme un vélo qui ne tient pas debout sans rouler, un vélo qui reste penché contre un mur tant qu’on ne l’a pas enfourché, pour le faire filer bon train sur la route. Nous ne pouvons tenir debout que pour marcher, que pour foncer dans un élan de charité. »

Madeleine Delbrêl

Homélie du dimanche 26 septembre 2021 à la maison-mère des spiritains à Paris

Chaque année, la Journée mondiale du migrant et du réfugié est fêtée le dernier dimanche de septembre. Comme titre de son Message annuel, le Saint-Père a choisi Vers un “nous” toujours plus grand . Dimanche 26 septembre 2021, Landry N’Nang Ekomie, accompagnateur des volontaires AMOS a prêché l’évangile du jour sous l’angle de l’altérité (Nous/Eux) et l’angle moral ou éthique (quelle relation à soi-même féconde la relation aux autres ?)

L’altérité : pour un nous ouvert à l’autre

« Nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent ». « Ne l’en empêchez pas, dit Jésus. Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». Jésus nous propose ici de comprendre autrement l’idée de l’appartenance, de la communauté et certainement aussi de l’identité qui sont représentées dans cet évangile par le pronom personnel NOUS. Il s’oppose à une clôture du NOUS. Au contraire, comme la peau qui est notre frontière avec l’extérieur a des ports, le NOUS doit avoir des pores. Cette façon de concevoir la communauté, l’identité ou l’appartenance rend possible l’empathie. Lorsque le NOUS est poreux le déplacement devient possible. On peut aller vers les autres, on est capable en retour d’accueillir celui qui vient chez nous. C’est ainsi que le volontariat trouve tout son sens et peut être débarrassé du fantasme de l’exotisme.

Comme le souligne le pape François dans son MESSAGE POUR LA 107ème JOURNÉE MONDIALE DU MIGRANT ET DU RÉFUGIÉ 2021 lorsque le NOUS n’est pas clôturé, on peut efficacement barrer la route à l’intolérance et à son corollaire qui est la jalousie. C’est cette attitude que Jésus voudrait corriger chez les apôtres qui se réjouissent bien de marcher avec lui et se refuse à l’idée que d’autres aussi puissent jouir de la même popularité qu’eux au risque de devenir intolérants : « NOUS l’en avons empêché ». L’intolérant est narcissique et chauvin. Tout ce qui est bon et beau doit être pour lui. Il regarde avec méfiance et soupçon ce qui est extérieur. Et parfois il veut supprimer l’autre au seul motif que ce dernier ne fait pas partie de son « cercle d’appartenance ». 

Une telle attitude est contraire au volontariat. Le mot volontaire, en effet, vient de Volonté. Or la volonté et la liberté sont intimement liées. Donc, partir en volontariat c’est d’abord s’affranchir des chaînes culturelles et idéologiques qui misent sur la peur de l’autre, la jalousie, le mépris, etc. pour empêcher la rencontre. L’extérieur demeurera un danger chaque fois qu’on résistera à en faire un familier en le tenant loin de NOUS. Dieu ne se rencontre que dans la rencontre avec mon prochain. Il est impossible de le rencontrer si on ne consent pas au « remplissement » de soi par quelque chose qui nous vient de la rencontre avec l’extérieur.

La morale ou l’éthique : se délester de ce que nous sommes

La question que j’ai énoncée au niveau moral et éthique est la suivante : quelle relation à moi-même féconde la rencontre de l’autre ? Jésus nous aide à répondre en considérant notre relation à notre corps. Il montre que cette dernière peut être nocive et nous empêcher de rencontrer les autres. Ici le corps renvoie au narcissisme, à une fermeture sur soi. En conseillant de couper (c’est-à-dire de se séparer) l’organe qui serait susceptible de nous pousser au scandale, Jésus nous oriente vers une juste relation à nous-mêmes. La question éthique que le projet de volontariat vous pose est donc la suivante : de quoi dois-je encore me débarrasser avant et après mon volontariat ? 

Je voudrais terminer avec une image, celle du vélo. Je m’appuie sur les biographes de Madeleine Delbrêl, une laïque d’Ivry sur Seine qui a beaucoup œuvré auprès des gens de la rue au siècle dernier. Sa pensée théologique est résumée à travers la notion de « théologie du vélo ». Le vélo n’a pas d’équilibre s’il n’est pas en mouvement. C’est pareil pour la vie chrétienne. Elle n’a d’équilibre qu’à travers un élan, un mouvement de charité. 

Que l’amour de Dieu soit sur nous comme notre espérance est en lui.

Landry N’NANG EKOMIE, Spiritain.