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Homélie du Dimanche, 17 octobre 2021, 29e dimanche du Temps ordinaire B.

Comme jeunes vous avez des rêves et toutes les opportunités sont bonnes à saisir. Le foyer est une de ces opportunités. Landry N’Nang Ekomie

Au début du siècle dernier, les sciences européennes étaient fortement marquées par l’attitude positiviste. Pour mieux appréhender leurs objets d’étude, les scientifiques les posaient devant eux. Cela en faisait des objets transcendants, c’est-à-dire extérieurs et distants de la personne qui en faisait l’étude. Une question cruciale se posait alors. Comment le scientifique pouvait-il avoir accès au sens de ce qu’il étudiait s’il n’y avait pas prise mutuelle entre lui et son objet d’étude, si ce dernier continuait à maintenir un écart entre lui et l’objet dans le sens de Gegenstand ? (ce qui est posé devant nous). Pour résoudre ce problème du sens des choses pour nous, un penseur allemand de cette période proposa qu’il fallait « revenir aux choses elles-mêmes » en laissant ces dernières nous livrer leur sens. Pour ce faire il fallait donc ne plus les tenir à distance mais en être proche. C’est, me semble-t-il, ce problème de la proximité que l’évangile de ce dimanche nous invite à méditer. J’ajouterais à ce mot un deuxième, celui de la gloire.

Les deux fils de Zébédée « s’approchèrent » de Jésus. Ils enjoignirent à Jésus d’exécuter leur demande : siéger l’un à sa gauche et l’autre à sa droite dans sa gloire. C’est une approche éminemment politique du ministère de Jésus. Il y a là un premier sens de la proximité qui se dégage. On peut la qualifier d’une proximité qui ne rapproche pas mais qui éloigne. Quel sens donnons-nous à notre désir de proximité avec Dieu ? avec les spiritains au sein du foyer d’étudiants dans lequel je vis ? Ce désir laisse-t-il un espace à la liberté ? Manifestement Jacques et Jean ne laissent pas cette possibilité à Jésus. Il faut que Jésus réponde comme ils le pensent à leur demande. Il s’approche de Jésus car ce dernier est une opportunité pour atteindre leur objectif : avoir la gloire. Comme jeunes vous avez des rêves et toutes les opportunités sont bonnes à saisir. Le foyer est une de ces opportunités car il offre un cadre idéal pour les études et cela peut en conséquence fausser le sens de la proximité qu’occasionne la vie au foyer entre vous et les spiritains.

Le sens de la proximité que l’évangile nous suggère est au contraire celui d’une connaissance mutuelle. Or, connaitre signifie naitre avec. C’est venir à l’existence ensemble. Dit autrement c’est se réaliser ensemble. Le désir de proximité exprimé par Jacques et Jean ne se fonde pas sur une volonté d’existence (avoir le même sens des choses) partagée en ne violant pas la liberté de Jésus. Ces deux frères sont au quotidien avec Jésus sans pourtant en être proche. Car lorsqu’un groupe humain (une communauté, un foyer) se construit sur des ambitions personnelles, un tel désir, au lieu de rapprocher, occasionne plutôt la distanciation. La vie fraternelle n’est plus possible car le poids du projet personnel est si lourd qu’il m’immobilise et m’empêche de marcher vers les autres.

Mais Jean et Jacques oublient que la gloire qu’ils recherchent ne consiste pas en des honneurs qui immobilisent. La gloire, de son étymologie grecque, signifie « poids ». C’est cette profondeur de vie qui nous rend lourd de convictions afin que nos vie aient une consistance évangélique : nous mettre sur le chemin de la rencontre fraternelle en ne recherchant que ce qui laisse Dieu au premier rang et humanise nos relations les uns avec les autres. Saint Irénée nous a d’ailleurs enseignés que la gloire de Dieu c’est l’homme debout, vivant. Elle ne peut consister en un fantasme de grandeur qui nous éloigne des autres. Elle n’est pas une volonté à être sous le feu des projecteurs. Le projecteur, comme la gloire des hommes, produit une lumière tellement forte qu’elle peut éblouir et devenir aveuglante.

Que l’amour de Dieu soit sur nous comme notre espérance est en lui !  

Landry N’Nang Ekomie