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Méditation d’Armel duteil sur le message du pape pour le Carême

Au début du carême, nous avons reçu les cendres, en accueillant ces paroles : « convertis-toi et croies à l‘Evangile ». Et aussi : « Souviens-toi que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière ». Nous connaissons bien aussi l’évangile de ce jour qui nous demande de garder l’humilité, de compter sur Dieu et de vivre notre foi par la charité (l’aumône), par la prière et par le jeûne (la conversion). Cet évangile nous le méditons chaque année. C’est pourquoi aujourd’hui je propose plutôt de méditer sur le message de notre pape François pour le carême de cette année. Son message s’appelle : « A travers le désert, Dieu nous conduit à la liberté ». Voici les choses dont il a parlé qui  me semblent importantes

1) Dieu nous appelle à la liberté.

Le peuple hébreu était esclave en Égypte, au temps de Moïse. Dieu les a libérés. Il dit à Moïse : « J’ai vu la souffrance de mon peuple. Va sauver mon peuple ». Il les a fait sortir de l’esclavage. Ils se sont mis en marche vers la terre promise, tous ensemble, en peuple. Nous aussi, nous sommes souvent dans l’esclavage à cause du péché et de nos mauvaises habitudes. Nos mauvaises expériences passées nous entraînent.

Il y a aussi tous les tabous et les interdits qui nous empêchent d’être libres. Beaucoup pensent que pour être chrétien, il suffit de garder les dix commandements. Ils disent : « Je n’ai pas tué, je n’ai pas volé, je suis un bon chrétien ! ». Mais Jésus n’a donné qu’un seul commandement : Aimez-vous comme je vous ai aimés ». Et saint Augustin disait : « Aime, et fais ce que tu veux ». Parce que si tu aimes, tu feras toujours le bien.

Jésus nous dit : « la vérité vous rendra libres ». Mais dans notre façon de vivre notre religion, il y a encore trop d’interdits, d’habitudes et de tabous : « Il ne faut pas faire ça, c’est interdit, ce n’est pas bon. On n’a jamais fait ça, ce n’est pas notre habitude. Si tu fais ça, Dieu va te punir ! ». Demandons-nous : quelle idée avons-nous de Dieu ? Dieu n’est pas quelqu’un qui nous oblige, qui nous force et qui nous commande sans arrêt. Dieu est bon et miséricordieux. Il ne nous condamne pas. Dieu nous appelle à la liberté.

Que ce temps de carême soit un temps de libération, comme nous le demande notre pape. Que ce soit un temps de conversion. Que nous soyons libérés face à Satan. Comme Jésus l’a été au désert au cours des trois tentations, que nous connaissons bien : la soif de l’argent, des choses et le désir de la nourriture, l’envie de tenter Dieu et de nous faire admirer, la soif du pouvoir qui nous pousse à écraser nos frères. C’est de tout cela que nous devons nous libérer, pour nous libérer de Satan. 

Il y a trop de chrétiens pour qui le Carême c’est seulement suivre le chemin de croix et ne pas manger de viande le vendredi. Mais pour le reste, ils continuent de vivre comme d’habitude. Ils ne changent pas leur vie. Ils ne changent pas leur mentalité, pour vivre comme nous le demande l‘Evangile. Car l’Evangile c’est vraiment une Bonne Nouvelle qui nous sauve.

« A travers le désert, Dieu nous guide vers la liberté ». Dieu a libéré tout le peuple. C’est ensemble que nous devons vivre ce Carême : en nous soutenant les uns les autres. En nous conseillant et en nous encourageant. En allant vers ceux qui ont oublié le chemin de Dieu, quelle que soit leur religion. Moïse est notre prophète, il est aussi le prophète des juifs et des musulmans.

2) Repenser notre style de vie

François nous demande de revoir notre mode de vie. Il a beaucoup insisté sur cela dans son exhortation « Laudate Deum ». Nous avons fait beaucoup de progrès au point de vue technique. L’Intelligence Artificielle est arrivée. La science moderne nous permet de faire beaucoup de choses nouvelles. Le danger, c’est de nous laisser prendre par les machines, la technique et ses progrès. La science c’est bon et c’est nécessaire. L’informatique devient de plus importante. Les jeunes apprennent à travailler avec les ordinateurs. Tout cela c’est une bonne chose, mais à condition de rester libres, comme nous, le dit le pape. Et de ne pas compter seulement sur la technique, mais de compter d’abord sur Dieu. C’est Dieu seul qui nous sauve, pas les robots. Même s’ils augmentent nos capacités et notre pouvoir. Car il y a des personnes et des pays qui écrasent les autres avec leur science et leurs machines, au lieu de se mettre au service des personnes et des peuples qui en ont le plus besoin. Demandons-nous : que faisons-nous des connaissances et des moyens que nous avons ? Est-ce que nous les mettons vraiment au service de nos frères et de nos sœurs ? Et au service de notre pays et du Royaume de Dieu ? 

Il y a trop de gens qui respectent les machines, plus que les personnes qui les entourent. Il ne faut pas que la technique moderne et les machines nous fassent perdre le respect de nos frères et de leur dignité. Il ne faut pas que la science amène de trop grandes inégalités entre ceux qui connaissent et ceux qui ne connaissent pas. Il y a trop de différences entre nous. Trop de conflits et trop d’inégalités. C’est contre cela que nous devons lutter. C’est la première chose que notre demande le pape. De faire grandir la charité autour de nous et de lutter contre les injustices, pour faire grandir la paix.

3)Diminuer notre consommation

La troisième chose que le pape nous demande, c’est de limiter et même de changer nos habitudes de consommation. Nous cherchons à avoir de plus en plus de choses pour nous faire voir, comme le nombre de chaussures ou d’habits que certaines personnes ont dans leurs armoires. On cherche à avoir le dernier téléphone le plus moderne, et le dernier appareil à la mode. Et même la dernière voiture pour ceux qui en ont les moyens. Mais en cherchant avoir de plus en plus de choses, nous épuisons la terre. Nous prenons tout ce que la terre contient, et même plus que ce qu’elle peut produire, sans pitié et sans réfléchir. Et alors il y a de moins en moins de choses à pour nos frères. Il faut que nous diminuions notre façon de vivre et notre consommation. Que nous cherchions à vivre une vie simple et arrêtions de vouloir de plus en plus de choses.

D’abord pour notre propre santé. Nous consommons trop de sel, trop de sucre et trop d’huile. Et ce sont les conséquences : De plus en plus de diabète et de maladies du coeur (AVC) et trop d’obésité (de gens trop gros, même les enfants, parce qu’ils mangent mal)

4) Respecter la création

Le carême, nous appelle à vivre en respectant la création, la terre que Dieu nous a confiée. Au Sénégal, on a trouvé du gaz et du pétrole. C’est une richesse. Mais utiliser le gaz et le pétrole réchauffe la terre, ce qui entraîne des ouragans, des tempêtes, des tornades et des inondations, et même des tsunamis. Le mois de janvier 2.024 a été le plus chaud jamais vu, partout dans le monde. Bien sûr, les pays industrialisés se sont enrichis à partir du gaz et du pétrole. Et nous aussi nous avons le droit de nous développer. Mais maintenant, il y a ce qu’on appelle les énergies durables qui utilisent l’eau (les barrages), le vent (les éoliennes) et le soleil (les panneaux solaires) qui ne produisent pas de carbone et ne réchauffent pas la terre. C’est vrai que ce sont les pays riches qui polluent (salissent) le plus la terre, surtout la Chine et les Etats Unis, en particulier avec le charbon. Mais nous devons prendre notre part de responsabilité et d’action. Et apprendre à nous limiter. Même dans la vie de tous les jours

Dans les services, les hôpitaux, les bureaux et les autres bâtiments, on laisse la lumière allumée toute la nuit. Or au Sénégal, il n’y a pas assez d’électricité pour tous les habitants. Si les gens des villes gaspillent l’électricité, ils empêchent les habitants des villages d’en avoir. Dans les maisons, on laisse la radio ou la télévision allumée, même si personne ne l’écoute ou la regarde.

Les climatiseurs produisent des gaz qui attaquent la couche d’ozone qui protège la terre des rayons trop forts du soleil. Il vaut mieux utiliser les ventilateurs. Les voitures et les camions produisent des fumées qui rendent malades. Surtout les vieilles voitures que l’on fait venir d’Europe. L’air ne devient plus respirable. Et en ville, tout le monde veut avoir sa voiture. Dans les pays industrialisés, les gens d’un même quartier se mettent ensemble dans une voiture pour aller au travail et ainsi produire moins de gaz et de fumées. C’est ce qu’on appelle le co-voiturage. On devrait interdire aux gens de voyager tout seul dans sa voiture.

Nous sommes en train de salir et tuer notre terre. Il y a des plastiques, des saletés et des ordures partout. Nous coupons les arbres, et même quand on en plante de nouveaux, on ne s’en occupe pas : ils meurent ou sont mangés par les animaux. Pourtant les arbres font venir la pluie et ils prennent le carbone. Les feux de brousse brûlent la terre et font avancer le désert. Dans la mer, il y a de moins en moins de poissons. Et dans la brousse, il n’y a plus d’animaux, Tout cela à cause des hommes, alors que nous sommes de plus en plus nombreux. Quelle terre allons-nous laisser à nos enfants ? Si nous continuons, personne ne pourra plus y vivre.

Dieu nous a donné la terre pour que nous en prenions soin et la protégions. Pas pour la casser. Nous ne pouvons pas aimer et respecter Dieu, si nous n’aimons pas et ne respectons pas la terre que Dieu nous a donnée. Déjà saint Paul disait (Rom 8,19-23) : « La création attend avec impatience que les fils de Dieu viennent respecter la terre. Car la création a été ramenée à rien, pas parce qu’elle le voulait, mais à cause de celui qui l’a abandonnée. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la destruction, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons de naître à une vie nouvelle, et d’être sauvés avec notre corps ». Et Saint Pierre disait (2°Pi 3,13) : « nous attendons des cieux nouveaux et une terre nouvelle que Dieu nous a promise, où la justice habitera ». Mais pour cela, il faut changer notre façon de vivre et d’agir.

5)Accueillir ceux qui ne sont pas  visibles et ceux qui sont méprisés

Qui sont ceux qui ne sont pas visibles ? Ce sont les pauvres et les petits de la société. On regarde les riches et les puissants, mais eux, personne ne les voit : les chômeurs et les petits métiers, les apprentis et les enfants dans la rue, les étrangers et les habitants des villages. Le carême, c’est pour changer notre vie et apprendre à faire attention aux autres. Vivre vraiment pour aimer nos frères et nos sœurs. Notre pape François nous demande d’accueillir celui qui n’est pas visible, celui qui n’est pas considéré et celui qui est méprisé.

« Ceux qui ne sont pas visibles » qu’est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire qu’il y a beaucoup de gens parmi nous, à qui personne ne fait attention. On ne pense jamais à eux dans nos plans de développement, dans nos projets, dans nos partages, dans nos aides et dans nos soutiens. Il y a trop de gens qui sont rejetés au loin, qui sont écrasés, qui sont oubliés. François nous demande d’aller aux périphéries, d’aller aux limites de la société, vers ceux qui sont loin. Car ce sont les plus pauvres qui souffrent le plus du réchauffement, de la pollution et de la destruction de l’environnement et de la création. Ce sont les plus pauvres qui souffrent le plus du manque de moyens et de la pauvreté dans notre pays. C’est à eux que nous devons penser en premier. Ouvrir notre cœur à ceux qui sont écrasés, et ceux qui sont oubliés parce qu’ils ne parlent pas français. Ils n’ont personne pour les aider.

Le Carême nous donne la liberté de changer notre vie, changer nos habitudes et diminuer notre consommation, mieux respecter la création, respecter les petits de la société, accueillir, ceux qui sont loin et construire ensemble une terre plus heureuse et une société plus humaine.

Cela veut dire mettre en pratique le synode que nous avons commencé : marcher ensemble, sans rejeter personne, en faisant de nos différences une richesse. Lutter contre les violences de toutes sortes et mettre la paix dans notre pays, surtout en ce moment où il y a tellement de tensions. On parle de dialogue, mais sommes-nous prêts au dialogue ? Sommes-nous prêts à changer nos idées en ce temps de carême, temps de la conversion, de l’amour et de la paix. Rappelons-nous ce que Francois a dit et a écrit, ensemble avec Ahmed al Tayeb le grand imam de l’université Al Azar du Caire : Fratelli Tutti, tous frères. Que ce temps soit pour nous l’occasion de construire une vraie fraternité avec tous, pour vivre vraiment en enfants du Père, et en frères et sœurs de Jésus-Christ.

6)Garder l’espérance

Le pape dit souvent qu’en ce moment nous vivons « une guerre en morceaux ». Et en effet, il y a beaucoup de pays en guerre, et cela a de graves conséquences sur les autres pays. Sans parler des coups d’état et des attentats terroristes. Mais François nous dit : » Le monde n’est pas en train de mourir, c’est un enfantement ! ». C’est un monde nouveau qui cherche à naître. A condition de voir avec foi le positif et les bonnes choses qui se font dans le monde, et de garder l’espérance. Dans la lumière et avec la force du Saint Esprit.

Armel Duteil, spiritain à Dakar, au Sénégal