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Homélie du Centenaire du P. Georges SENGELIN le 10 novembre 2022, à Wolxheim

Romains 12, 3-13 ; évangile : Jean 15, 12-17.

Heureux est l’homme qui se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit ! Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu’il entreprend réussira. (Ps 1) Nous sommes réunis autour de notre confrère Georges Sengelin pour son centième anniversaire, en union avec sa famille humaine, ses confrères vivants et défunts, et toutes les personnes qui ont été touchées par son ministère en Guadeloupe. Nous prions pour que le Seigneur continue à rendre féconde cette vie donnée à la mission, et féconde chacune de nos vies. 

En regardant ‘en arrière’ avec les yeux de la foi, on peut reconnaitre l’œuvre de Dieu à travers nos pauvres personnes et notre liberté fragile. Confions-nous à la miséricorde du Seigneur. 

L’évangile choisi pour ce jour dit le cœur du message de Jésus : Dieu nous a créé, il nous appelle pour nous aimer, et il nous envoie pour aimer nos frères et sœurs. Jésus précise que sa relation avec ses disciples est une relation d’amitié, non pas de maître à serviteur. Quel mystère profond que ce projet de Dieu, qui dure plus de cent ans, projet de faire alliance avec les pauvres personnes que nous sommes, bien fragiles et limitées, et de nous confier l’accueil de son Royaume ! Quel mystère profond. 

Jésus affirme à ses disciples qu’il les a appelés afin qu’ils portent du fruit. Oui, toutes les créatures de Dieu ont vocation à la fécondité, à fructifier et se multiplier. Pour nous, religieux et missionnaires, il s’agit d’une fécondité spirituelle et apostolique. Elle se mesure, en partie, à la qualité des liens que nous établissons avec toutes les personnes vers lesquelles nous sommes envoyés. 70 ans en Guadeloupe, et de multiples témoignages d’amitié, attestent de cette fécondité. Cette fécondité a un aspect invisible (comme la fécondité du pied de pomme-de-terre !) : cet aspect nous sera découvert en entrant dans la vie éternelle, et nous verrons alors les fruits qui demeurent. Là aussi, quel mystère : nous qui sommes bien limités, et pourtant Dieu nous fournit les moyens de produire des fruits. 

Le moyen que Dieu nous donne pour produire des fruits, c’est l’Esprit, comme le dit Saint Paul dans la première lecture. L’esprit de l’homme, ce qui est intérieur, qui émane de lui, qui est l’essentiel de sa personne, cet esprit est habité par l’Esprit de Dieu. Là est le moyen de produire des fruits qui demeurent. L’Esprit de Dieu renouvelle et unit au Seigneur. En effet, l’Esprit de Dieu ne peut agir qu’en habitant dans une personne, en la transformant, et son action part toujours de l’intérieur de la personne. Pour être docile à l’Esprit de Dieu en nous, il faut avoir le désir de servir l’Évangile et le Corps du Christ, l’Église. Quel mystère que la vie de l’Esprit en nous, et les différents charismes qu’il distribue pour le bien du corps entier ! Le bon pasteur est celui qui discerne les dons que l’Esprit fait à chacun pour le bien de tous. Nous pouvons continuer à vivre cela avec ceux qui nous entourent : chercher ensemble les dons supérieurs de foi, d’espérance et de charité, et constater les signes de paix et de joie. 

Hier, de Saint Malo est partie la course à la voile en solitaire appelée Route du Rhum, destinée à rallier Pointe à Pitre, en Guadeloupe. Le recordman de l’épreuve, Francis Joyon, a réalisé le parcours en 7 jours, 14h et 21 minutes, en 2018. Cette année est la douzième édition depuis 1978, et l’origine en revient au secrétaire général du Syndicat des producteurs de sucre du Rhum des Antilles, Mr Bernard Hass (Kaysersberg ?), qui cherchait une idée pour mettre en valeur la filière du Rhum de Guadeloupe. Trente ans plus tôt, en 1948 est parti de Hirsingue – en bateau ? – celui qui allait passer sa vie en Guadeloupe – non pas pour la filière du rhum, mais pour la joie de l’Evangile. Et il n’en est pas vraiment revenu, car son cœur est là-bas, ses amis sont là-bas, le champ qu’il a labouré est là-bas.

Le vent a soufflé dans les voiles du navigateur, l’Esprit l’a conduit au fil des années, dans le soleil et les cyclones, et il nous montre la paix et la joie de ceux qui ont mené leur bateau jusqu’au port de Wolxheim-canal. Wolxheim ce n’est pas la Guadeloupe… il y a sûrement un peu de rhum, et la course qui se poursuit n’est pas solitaire, elle est fraternelle : merci à la famille spiritaine et aux religieuses de Saint Léon d’accompagner celui qui n’est pas un pirate des caraïbes, mais plutôt un successeur de tous les grands missionnaires partis sur toutes les mers du globe. Le Seigneur est à bord de ce voilier, rien ne pourra lui arriver.

Jean Pascal Lombart, provincial des spiritains